30 janvier 2023

 

Les travaux du ministre de l’Éducation – Il faudra juger l’arbre à ses fruits

Un peu plus de trois mois après la réélection de la CAQ et sa nomination comme ministre de l’Éducation, Bernard Drainville est finalement sorti de son mutisme en présentant les sept grandes priorités du gouvernement.

Difficile d’être contre la vertu, puisqu’elles concernent des enjeux réels en éducation, et il faut effectivement s’y attarder. Les objectifs derrière ces chantiers sont nobles, il reste à voir de quelle façon le ministre prendra le taureau par les cornes.

Commençons par l’enseignement du français. À la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), nous réclamons depuis des années une révision des façons de faire. Nous le décrions depuis longtemps, enseigner correctement le français demande du temps. Or, il n’y a aucun temps minimum prescrit pour le faire dans la grille-matières, comme pour toutes les autres matières d’ailleurs. C’est donc dire que si le ministre impose des projets particuliers dans toutes les écoles, tel qu’il en a manifesté l’intention, certaines d’entre elles pourraient décider de couper dans l’enseignement du français, des mathématiques, des sciences ou des arts, malgré les retards dont il a tant été question dans les derniers jours. Pas certaine que ce soit la meilleure solution partout, particulièrement dans les milieux où on retrouve plus d’élèves vulnérables ou en difficulté.

En ce qui concerne les projets particuliers, et sans minimiser le souci de l’accessibilité que nous partageons, la proposition du ministre ne règlerait en rien le problème de l’école à trois vitesses. L’iniquité de notre système provient de la ségrégation scolaire, qui dépouille les classes dites ordinaires de ses meilleurs éléments. Ce n’est pas en ajoutant des programmes particuliers sans réflexion sur la composition de la classe que nous règlerons le problème.

Lors de sa conférence de presse, le ministre a aussi abordé le retour du certificat en enseignement pour les baccalauréats disciplinaires. Il s’agissait sans aucun doute de la partie la plus concrète de sa présentation. À la Fédération, nous savons qu’une forte majorité des enseignantes et enseignants que nous représentons sont en faveur de cette mesure, pour autant que le tout soit correctement balisé et tienne compte de l’importance d’acquérir dans ce certificat les bases solides de pédagogie.

Autre point digne de mention, Bernard Drainville a clairement identifié l’aide à la classe comme étant l’une de ses priorités. Il faudra cependant attendre un bilan complet des projets pilotes avant d’y aller avec une implantation plus large. Portée par les commentaires des profs qui participent à ces projets pilotes, et à la différence d’autres organisations « moins enthousiastes », je n’ai pas peur de dire qu’il s’agit de l’un des projets les plus porteurs des dernières années en éducation. L’aide à la classe est la parfaite démonstration qu’on peut encore trouver des solutions en éducation, lorsqu’on prend le temps de se parler et de coopérer.

Dès son premier mandat, on a senti un réel intérêt de ce gouvernement pour la formation professionnelle (FP), mais un peu moins pour la formation générale des adultes (FGA) qui a encore une fois été oubliée par le ministre lors de son point de presse. Honnêtement, la volonté du gouvernement d’investir en FP et d’augmenter la diplomation ne peut qu’être saluée. Cependant, il faudra miser sur des formations complètes et de qualité qui ont fait leurs preuves si on veut réellement valoriser ce secteur.

Enfin, on a souvent eu l’impression dans les dernières années que le ministre ne savait pas ce qui se passait dans son propre réseau, même sur des faits aussi simples que de connaître les données sur le nombre de personnes qui travaillent au quotidien dans les écoles et les centres. Est-ce la maison des fous d’Astérix, les écuries d’Augias ou une combinaison des deux? Je ne saurais dire. Il est évident par contre que le Ministère et les directions doivent faire preuve d’une plus grande transparence et rendre accessible ce type de données. Il faudra cependant faire attention au piège bien connu de ne gouverner qu’en regardant des colonnes de chiffres, approche qui vise trop souvent à justifier l’imposition de pratiques pédagogiques aux enseignantes et enseignants.

En terminant, comme je le mentionnais d’entrée de jeu, il est difficile de ne pas être en accord avec les priorités du ministre Drainville, aussi vagues soient-elles. Ce sont cependant les gestes concrets du gouvernement dans les différents dossiers qui feront foi de tout.

De plus, impossible de passer sous le silence que cette annonce survient alors que s’amorce la négociation de la convention collective nationale des enseignantes et enseignants. C’est par la négociation de notre contrat de travail que nous nous attaquerons réellement aux enjeux que les profs ont identifiés au terme d’une large consultation, mais qui n’ont pas été nommés par le ministre, soit la révision de la composition de la classe et l’allègement de la tâche enseignante.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ